J’ai animé, avec Pierre Hervé Thivoyon et Lieven Callewaert, un World Cafe pour une grande entreprise. Le séminaire réunissait une soixantaine d’acteurs RH venus de tous les pays et les échanges se faisaient en anglais. Une première pour moi ! Je n'avais encore jamais facilité en anglais et ce fut une expérience très riche et enthousiasmante. J'ai été également invitée à commenter mes traductions graphiques et pris un immense plaisir (partagé !) à expliquer les choix visuels et résonances, à montrer comment ce que j'ai capté et dessiné peut accompagner et renforcer le processus.
Le World Café avait pour objet l’évolution du métier RH face à la réorganisation et au plan de convergence prévu par l'entreprise. Il était intitulé : “What are we ready for ?”. Le principe du World Cafe est de réunir un groupe de personnes autour d’une question sensible. Le thème est décomposé en trois questions ou trois round de tables, puisqu’à chaque question les personnes y répondent par groupe de 4 (ou 5 ou 6… pour favoriser les échanges) et sont invitées à changer de table pour la question suivante dans le but d'une meilleure fertilisation des idées. Les questions posées sont soigneusement rédigées pour inciter tous les participants à contribuer à la réflexion en partageant un vécu personnel. Les idées et conclusions sont ensuite collectées en grand groupe et enregistrées visuellement grâce à la facilitation graphique.
J’ai commencé la facilitation graphique en intégrant le titre du séminaire dans l’image d’une tasse de café, symbole de ce processus qui tend à favoriser les conversation et expressions. De cette tasse s’échappent des effluves qui forment les lettres du secteur concerné HR (Human Resources). Ces effluves traduisent le besoin d’émergence, le développement de quelque chose de nouveau.
Pierre Hervé, l’un des animateurs, à introduit le séminaire en invitant les participants à y prendre plaisir (have fun! play!) et à faire appel aux 3H (head, hand, heart). J’ai aussitôt repris ses mots stimulants en dessin.
Ensuite Lieven, le second animateur, a présenté la question en insistant sur l’implication personnelle (how YOU create…) comme moteur de changement et de création de valeur.
Le cadre du World Cafe encourage l’expression spontanée et l’implication personnelle : ça passe par tout ce qui constitue l’être, y compris les ressentis et émotions (share the emotions).
La première question concernait l’impact du changement à venir sur l’activité et le quotidien de chaque personne présente. Pendant que les participants répondaient à cette première question, je me promenais entre les différentes tables pour saisir les mots et expressions utilisées.
Le premier échange fut particulièrement vivant et reflétait le besoin de pouvoir être entendu dans ses difficultés, inquiétudes, et même souffrances, face au changement. J'ai traduit ces expressions avec la même vigueur avec laquelle elles étaient partagées.
La deuxième question portait sur des expériences professionelles d’équipe où la valeur ajoutée a généré un sentiment de fierté.
Cette seconde question fut abordée avec beaucoup moins d’aisance. Le climat était davantage étouffé et j'avais nettement plus de mal à distinguer des mots pendant les échanges. J’ai observé un groupe jouer sur un cœur dessiné avec les bonbons offerts à la table, puis saisi une conversation autour de la célébration des anniversaires dans l’équipe.
Ce qui est intéressant pendant une facilitation graphique, c’est d'observer comment des images saisies au vol et juxtaposées prennent sens. Ainsi, pouvoir discuter librement avec le management de ses difficultés se trouve associé à l’image d’un bonbon. Le message qui émerge pourrait se résumer à “un peu de douceur dans ce monde de brutes”, un besoin que j’ai illustré par une bulle de “coton”, comme un cocon.
Cet exemple montre aussi à quel point il n’est pas toujours aisé de parler de fierté et de positiver dans le monde de l’entreprise.
La troisième question s’orientait vers les actions concrètes à mener pour accélérer le changement et le conduire avec succès.
Durant ce troisième échange, plutôt retenu, je n’ai capté que deux mots : sharing and learning.
Juste avant la collecte, je me trouvais près d’une table qui discutait “bénéfices du TGV” et, l’air de rien, j’ai repris leurs mots :
– In the TGV you can work…
– And sleep…
– I work !
Dans les échanges légers se trouvent des remarques à creuser pour de nouvelles façons de penser, voir, travailler…
Pendant la collecte finale, chaque table a été invitée à synthétiser ses idées et réflexions au groupe réuni. J’ai rapidement noté les mots retenus, puis improvisé autour de chaque idée pour l’illustrer visuellement, les reliant entre elles pour en extraire la fluidité et cohérence.
Voici quelques idées illustrées, en vrac… En commençant par ce qui est facile, comme libérer la parole pour améliorer la communication (it’s easy to do!). Ou faciliter la mobilité interne pour qu’elle devienne une danse (job rotation).
Former les candidats au départ (exit training).
“Flinguer” les rumeurs qui tuent le business : les acteurs ont besoin de comprendre les décisions qui les concernent…
… en conviant les managers à leur table…
… et en fondant les relations sur le partenariat.
We miss training : besoin de soutien et d’outils pour accompagner le changement.
Deux images captent l’énergie d'ouverture. L’oiseau du réseau “twitter” fait référence à la vidéo sur les médias sociaux projetée durant l’introduction au séminaire. Comment utiliser ces réseaux pour créer une communauté solidaire et innovante ?
Le mot “bridge” prononcé par un intervenant évoque la passerelle à franchir pour changer de façon de travailler, en s’appuyant sur la communauté.
Community… Ce mot résonne à part, en guise de conclusion. Créer une communauté construite de différents “you”… La boucle est bouclée (sur le YOU) pour un rebond possible ?
Grâce à la facilitation graphique, le sens émerge au fil de la journée. Tous ces mots et images juxtaposés s’organisent d'eux-mêmes et ouvrent de nouveaux espaces de réflexion et d’approfondissement.
Le but de ces journées d’échanges et de reflexion est l’ouverture, qui permet d’envisager les difficultés et problématiques sous un nouveau jour (de nouveaux chemins, idées, solutions…). L’ouverture stimule également la motivation et l’action car elle manifeste un élan.
Pour saisir ces portes d’entrée (les mots et les images qui comptent), deux qualités sont nécessaires : l’acceptation et la confiance. Dans la facilitation graphique, c’est accepter tout ce qui se passe (les différentes phases, les mots et images qui surgissent, etc) en ayant la confiance que, quoi qu’il arrive, une solution ou ouverture cherche son chemin, aussi bien à travers les échanges qu'à travers la fresque qui prend forme. Il reste ensuite à interpréter cette fresque pour en extraire toute la richesse.
Imaginez maintenant ce séminaire résumé sur un powerpoint, reprenant uniquement les points forts : “il faut…, nous devons…, productivité…, compétences…, etc.” Et dites-moi ce que vous préférez : vos commentaires sont les bienvenus.
World Cafe organisé avec Nancy Bragard (Bragard Associates). Merci à Roberta Faulhaber pour la mise en relation.