TEDxLondon a eu lieu le 17 septembre 2011. J’ai pris l’Eurostar pour rejoindre Londres et assister au TEDx (événement indépendant organisé sous licence TED) sur le thème de : Education Revolution. Me voilà dans le Roundhouse, célèbre lieu de la vie culturelle londonienne : superbe endroit, on se croirait dans un cirque !
Je suis assise au milieu d’une foule d’inconnus. “Mais que suis-je venue faire ici ?”… La question reste en suspend pendant qu’une musique parvient tout doucement à mes oreilles. Ce sont les paroles de Pink Floyd : “We don’t need no education”… et les frissons qui me parcourent au fur et à mesure que la musique devient plus forte. Je suis venue pour sentir ces frissons-là et l’excitation de l’inconnu.
Sur le grand écran, le visage en gros plan de Ken Robinson, limpide, lumineux et éclairé de douceur. J’écoute religieusement son discours enregistré à Los Angeles : il est plus sérieux que d’habitude. “Go back to the basics: I agree with that… But what are these fundamentals? I distinguish three basics. In the first place, the economic concern: education is all about growth and sustainability. Secondly, a cultural basis: education must enable students to understand their cultural backgrounds. Thirdly, a personal issue: the education’s mission is to value and encourage individual talents and dreams. We need to personalize education, because it has become impersonal and values conformity. The goal of this revolution is to reverse the priorities: the focus should be put on students and teachers!"
Ken Robinson évoque Peter Brook et son concept d’empty space. “Peter Brook said: Theater is the most powerful experience and has an incredible transformative potential. The powerful empty space is the relationship between the actor and his audience! With eduction, the process is the same: the relationship between teachers and students, that’s what matters!… So, here are the radical commitments in improving learning I'm working at: firstly, education must be personalized and I consider teaching as an artform (of improving motivation, imagination…); secondly, education should be customized to the context; thirdly, education is diverse, there are many different ways of learning.” Les mots de Ken Robinson sont directs, tranchés, fluides : ils coulent de source et je me laisse emportée par cette conviction tranquille et affirmée.
Le directeur du TEDxLondon, Evan Grant, arrive sur scène. Très décontracté, l’œil rivé sur son iphone qui lui sert de bloc-notes pour assurer avec efficacité, Evan nous encourage à faire un petit pas : rencontrer une nouvelle personne ! “Do eye contact… I know we are english, still…” Créer du lien est quelque chose qui me nourrit toujours : je le sais parce que je suis émue.
Un premier intervenant, Adam Roberts, revendique l’esprit critique et nous raconte un souvenir d’enfant : on avait demandé à toute la classe de dessiner le Père Noël. Adam avait refusé de s’exécuter parce qu’il ne voulait pas dessiner le même sujet que ses camarades : “Pourquoi les enfants doivent-ils tous dessiner la même chose ?”.
Goldie, musicien, DJ et artiste, raconte son parcours avec passion et conviction : “I didn’t have a clear dream, but I had a dream. And the dream isn’t finished: I’m still learning!”.
Dan Roberts, proviseur adjoint, arrive sur scène portant chemise blanche et costume foncé. Au fur et à mesure qu’il se présente, il commence à déboutonner sa veste, qu'il enlève, ensuite sa chemise… “Here’s a headteacher’s confession: I'm a… geek”, dit-il au moment où il se retrouve en t-shirt noir, marqué “geek”. Dan est un passionné de technologies. Il projette une diapo sur laquelle on voit une calculatrice : 8 x (un nombre que je n’ai pas recopié) = (un autre nombre que je n’ai pas recopié). Quand on retrourne la calculatrice, le nombre du total affiché à l'envers donne “BOOBLESS". Dan milite pour l’utilisation des outils électroniques dans l’école comme supports d’apprentissage, y compris les téléphones portables. Avec unblockedU.com, sa révolution consiste à allumer les téléphones portables en classe !
La deuxième session est un moment de pure magie ! Max Whitby fait une démonstration digne d’un prestidigitateur : grâce à l’action d’un gaz invisible, je vois flotter sur scène un petit cube d’or. Je suis bluffée, comme une petite fille heureuse de découvrir les merveilles du monde. Max l’a dit : “Science is undistinguished from magic! Put experience in your learning!”.
Evan Grant, le directeur du TEDxLondon, de retour sur scène pour sa propre conférence, nous entraîne dans un monde qui apprend et communique à travers les expériences sensorielles. Un film nous montre une classe d’enfants prenant en main des outils qui réagissent au toucher, aux mouvements, aux sons, aux images… Un nouveau monde s’ouvre à moi : je comprends que les enfants d’aujourd’hui et de demain ont besoin de ce type d’apprentissage-là : sensoriel, tactile, intuitif ! Ils interagissent et c’est cette interaction qui crée l’apprentissage.
Geoff Stead nous rappelle le concept de UBUNTU (j’avais déjà entendu ce mot au TEDWomen), qui signifie : “I am me because of us”. Son crédo : utiliser les nouvelles technologies dans l'éducation. “Mobile learning is an agent for change”. Il donne comme exemple un groupe de jeunes filles dans une école africaine auxquelles on a donné un téléphone portable. Elles ont eu l'idée d’imaginer une application pour tester les connaissances de leurs camarades en biologie. Cette expérience leur a permis : 1) de s'amuser ; 2) d’apprendre toute la technologie nécessaire pour concevoir et réaliser une application ; 3) de développer leur savoir en matière de biologie ! Geoff conclut : “Technology is a tool: use it to create and make interesting experiences. Be agile and keep improving. Let the learners help you.”
Ken Spours s’adresse aux politiciens. Il prend comme exemple Bruce, le méchant et avide requin dans “Le monde de Nemo”, qui finit par ressentir de la compassion et par apprendre à considérer les autres poissons comme des amis – et non comme des proies à ingurgiter : “If Bruce can do it, so can politicians!”. Avec force, Ken reprend la hiérarchie qui donne sens aux valeurs de l’éducation : “Teachers must be dedicated to the children. Headteachers must be dedicated to everybody else. And politicians should give their power away to the level below: those on the grounds do know better than they do.”
Pour clôturer cette session, le musicien, performer et développeur, Tim Exile, termine le processus : à partir de sa propre voix qu’il enregistre, sample et mixe, il crée un morceau en live. Sur scène, un homme le filme avec son ipad. Cette vidéo est retransmise instantanément sur son site internet qui s’affiche à l'écran. Tim est à la fois sur scène, dans la salle avec les sons qu’il produit et sur internet, dialoguant avec les utilisateurs de twitter branchés : des voix ou sons envoyés par la communauté sont aussitôt réincorporés dans la musique en temps réel. Bref, moi-même je ne sais plus où je suis… Probablement un peu partout, à ce moment-là ! “It’s a kind of risky business”, dit Tim avec humour (comment a-t-il encore le temps de blaguer !). “And I haven’t slept for a month! Thanks to technology, lots of people can be creativ. Enjoy instead of endure!” Et moi de continuer la phrase : “Like me, lucky me!”. De cette expérience, j’ai retenu l’ouverture au niveau de la perception : je me retrouve dans un rapport sensoriel avec le monde – et non plus intellectuel. Un monde dans lequel on ne réfléchit plus : on agit. On bouge, on crée, et on a des machines qui le permettent !
Après cette immersion dans le sensoriel et le tout-possible, avec un cerveau droit en pleine action, j’ai arrêté de prendre des notes durant la troisième session (peut-être mes neurones avaient-ils de plus en plus de mal à penser…).
Ewan Mcintosh, au ravissant accent écossais, a suggéré d’arrêter de proposer aux enfants des problèmes qui les concernent si peu, faisant référence aux sempiternels problèmes mathématiques (moi-même je n'arrive pas à résoudre ceux de ma fille, rien que l’énoncé me fait fuir !). “We should skip from problem solvers to problem finders! Help children to find problems that haven’t been solved yet.”
Dougald Hine, après School of Everything, a lancé un genre inédit d’université pour expérimenter de nouvelles formes d’apprentissage. Il convie tous les intéressés à rejoindre theuniversityproject.org.uk pour réinventer l’université.
Jude Kelly prone l’éducation pour tous, en imaginant des espaces conviviaux dans lesquels toute la communauté, enfants, parents, grand-parents, amis, se retrouvent pour apprendre ensemble. “C’est possible, dit-elle, en tout cas, cela vaut la peine d’essayer, quitte à se tromper”… Son “Lets make mistakes together!” sera généreusement retwitté dans les heures qui suivirent.
Ken Robinson est revenu, par le biais de la vidéo, conclure cette après-midi intense et excitante. Il demande à chacun de prendre un engagement, quel qu’il soit, vis-à-vis de l’éducation.
Je suis sortie de cette journée grisée. J’étais heureuse d’avoir pu assister à cet évènement coloré, vivant, vibrant… Dans une ville que je n’avais pas foulée des pieds depuis presque quinze ans. Ce qui compte, c’est de se mettre en situation d’apprentissage, d’affronter ses peurs et de faire le saut dans le grand vide… du magnifique cirque de Roundhouse !
Mon engagement est pris : hier soir, j’ai visionné une autre conférence, celle de Paula Scher (lire ici). Mon engagement est de faire en sorte de retrouver le plus souvent possible mon sérieux (celui qui permet de jouer avec conviction et créativité de la vie, en toute innocence, impertinence, voire négligence), de faire exploser l’escalier (voir vidéo) autant que se peut et d’encourager les autres à le faire.
Note concernant la fluidité des présentations Ce qui me ravit, c’est le naturel avec lequel les speakers prennent la parole sur scène. Pourtant on sent bien qu’il y a aussi une part de trac et de nervosité, mais une fois sur scène, ils sont là pour faire leur travail et le faire le mieux possible ! Il n'y a aucune honte à être sur scène. Rien à voir avec l’expérience des conférenciers français. En France, être face à un public ne va pas de soi. Comme s’il y avait une faute à justifier constamment : “Je prends cette place là, au milieu de vous… Je me montre et m’affiche : c’est mal ! Alors je vais en faire des tonnes, je vais prendre mon temps pour parler et justifier cette présence et posture que je n’ai pas mérité. Oh mon dieu, je prends la place de Dieu !”. Chez les anglo-saxons, être sur scène fait partie du job, de la fonction : il y a moins d’ego en jeu… Voilà une différence culturelle.
Les citations viennent de mes notes et sont donc un résumé de ce que j’ai compris. Par ailleurs, mon anglais est parfois approximatif : si vous relevez des fautes, merci de me les signaler ici.
* Photos © Sophia Schorr-Kon
Quand le rêve deviendra réalité, on ne parlera plus d'utopie...Moi ce que je trouve en te lisant, c'est l'espoir qu'un monde meilleur est possible...Et ça passe par l'éducation...autrement... c'est sûr
Au plaisir
Rédigé par : Sybille Fernandez | 28 septembre 2011 à 17:09
Dans un monde en pleine mutation, il faut de grands rêveurs, réactifs comme toi ! À l'école de la vie avec toi, chère Sybille :)
Vanina
Rédigé par : Vanina Gallo | 28 septembre 2011 à 17:31
Merci Vanina de nous faire transmettre un peu de cette journée et de partager ton enthousiasme ! Les sujets de l'éducation et de l'apprentissage me passionnent également, et j'ai hâte de visionner les vidéos de ce TedX ! A bientôt, Marie
Rédigé par : Marie | 28 septembre 2011 à 23:29
Hello Marie ! Dés que les vidéos sont disponibles, je transmets le lien. On est deux à les attendre :) À bientôt !
Rédigé par : Vanina Gallo | 28 septembre 2011 à 23:46