Pouvoir assister à une conférence TED. TED (pour Technology, Entertainment, Design) est le nec plus ultra de la conférence tendance. J’ai découvert les TED talks il y a trois ans, grâce au site internet qui les met gratuitement en ligne. TED est un magnifique catalyseur d’idées, une véritable université d’un nouveau genre, un lieu unique de partage de savoirs et d’expériences d’univers aussi éclectiques que la science, les arts, l’économie, l’environnement, les sciences humaines, etc. Concrètement, les speakers, portés par le public, ont dix-huit minutes pour faire la conférence de leur vie : partager une idée et donner le meilleur d’eux-même. Cette célébration de la connaissance et de la créativité contribue aussi à créer une communauté, un réseau d’hommes et de femmes qui échangent projets, idées, cartes de visite…
Ce rêve est devenu une réalité grâce au premier TEDWomen, les 7-8 décembre derniers à Washington : deux jours dédiés aux visions et idées des femmes, au titre prometteur : Reshaping the future. Entre émotion et pragmatisme, entre féminisme revendiqué et poésie, je ressors de ces deux jours bousculée, comme passée au shaker, mais boostée et heureuse ! Quoi de plus stimulant et aussi déroutant qu’une cohorte de sept cent femmes, en stilettos ou baskets, quelques hommes ici et là, venus de tous horizons, dans un pays qui voit grand et agit. Une atmosphère électrisante, tenue en haleine par les co-organisatrices, June Cohen et Pat Mitchell, chargées de présenter soixante-dix speakers en deux jours – autant que pendant les quatre jours des autres grandes conférences TED. Ce TEDWomen fut un véritable marathon, chaque instant étant propice à un échange – de la salle de conférence jusque dans les toilettes, dans les salons et nombreux espaces aménagés pour rester connectés avec le monde, via twitter, skype et la centaine de TEDx (événements indépendants organisés sous licence TED) associés au TEDWomen. L’énergie fut high, emportée par la musique entraînante qui ouvrait chaque nouvelle session, à l’image du dîner qui se transforme en danse avec Angélique Kidjo et la célébration de clôture dans le tout nouveau United States Institute of Peace encore fermé au public : it was the place to be!
C’est en posant mes pieds sur le sol parisien que je me suis rendue compte du pas de géant qui a germé dans ma tête. L’inspiration vient après un temps d’intégration : un passage, comme le jet lag, qui permet de voir autrement et faire la synthèse de ce voyage entre Europe et États-Unis, entre idées et actions. Difficile de résumer toutes les conférences : certains speakers touchent par leur présence et font figure de mentors, d’autres épatent par leur conviction et combativité. J’ai retenu l’intelligence sensible de Madeleine Albright qui, avec des yeux pétillants de petite fille, dit “Read my pins” (Lisez mes pins) et affirme : “There is a special place in hell for women who don’t help each other” (Il y a une place spéciale en enfer pour les femmes qui n’aident pas les autres femmes) ; l’image des policiers et prisonniers indiens assis dans la position du lotus, auxquels Kiran Bedi enseigne la méditation pour réformer le système carcéral, parce qu’il vaut mieux prévenir que punir ; le nom que Donna Karan donne à sa fondation, Urban Zen, parce qu’elle apprend à vivre le calme au milieu du chaos ; le pouvoir de la compassion, qui permet de faire face à toutes les situations et augmente notre système immunitaire, auquel nous exhorte Joan Halifax en faisant référence à l’image d’un archétype : une femme aux mille bras, ayant dans chaque main un outil de libération et un oeil pour voir la réalité ; Halla Tomasdottir, en robe noire et talons rouges, une analyste financière qui sauve l’Islande en appliquant à l’économie des valeurs féminines : avoir conscience des risques, communiquer avec authenticité, valoriser le capital émotionnel, donner des principes au profit ; les dessins humoristiques de Liza Donnelly du New Yorker qui met son grain de sel à petits coups de caricatures dans le politically correct ; la photo, front contre front, de Elisabeth Lindsey et de son mentor, un navigateur hawaïen qui lui a appris à se guider avec les étoiles : “True navigation begins in the heart” (La véritable navigation commence dans le cœur) ; la voix survoltée de Tony Porter, qui encourage les hommes à sortir de la man box pour arrêter les violences faites aux femmes ; l’image de l’huître, figure organique et trésor de l’éco-système, que Kate Orff, architecte-paysagiste, propose pour repenser la ville de New York ; l’idée d’une identité digitale pour une vie désormais digitale : “a digital self” que l’on habille chaque matin ; l’apologie du Moringa, “a superstar”, l’arbre miracle aux multiples qualités nutritives ; le magnifique regard des félins pris en photo par Berverly et Dereck Joubert, qui célèbrent la nature sauvage et la saine agressivité ; les graphiques de Rufus Griscom et Alisa Volkman, un couple qui dévoile les tabous de la vie familiale et crée un site internet pour parents déboussolés ; “the tendency to otherise” qui pousse Elisabeth Lesser à inviter à sa table cet autre, celle ou celui que l’on considère comme un ennemi ; la voix envoûtante et le poème de Suheir Hammad, parce que : “Poetry makes you choose to do the things that you wouldn’t have chosen” (La poésie vous fait choisir de faire des choses que vous n'auriez pas choisies) ; la conviction affichée de la jeune Sejal Hathi, dix-huit ans, avec à son actif déjà plusieurs sites, dont “Girls helping girls” pour promouvoir l’entraide et la sororité ; l’énergie indémontable de la confiance en soi que personnifie Caroline Casey, une mal-voyante qui n’a pas hésité à faire mille kilomètres à dos d’éléphant pour trouver des fonds pour sa fondation : “Being true to yourself is actually being free, and you don’t need eyes to see” (Être authentique avec soi-même est la véritable liberté et on n’a pas besoin des yeux pour voir) ; le poignant discours d’Eve Ensler, auteur des Monologues du Vagin, sur la difficile relation à son corps : “If you are divided from your body, you are divided from the body of the earth” (Si vous êtes coupé de votre corps, vous êtes coupé du corps de la terre) ; enfin, l’invitée surprise, Hillary Clinton, qui reprend un des leitmotiv de ces deux jours : “Give women equal rights, and an entire nation is more stable and secure” (Donnez aux femmes l’égalité des droits et la nation toute entière gagne en stabilité et sécurité).
Et tant d’autres… speakers, moments d’émotion et d’inspiration qui poussent à l’ouverture. Un seul bémol : trop court ! TED est une ressource inépuisable qui permet à chacun de répondre à la question : “What would you attemp to do if you knew you could not fail ?” (Que tenteriez-vous de faire si vous saviez que vous ne pouvez pas échouer ?). Il ne me reste plus qu’un souhait : pouvoir assister aux autres conférences TED !
Les biographies des speakers, les photos de TEDWomen et plusieurs talks déjà en ligne
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