Le jugement tue. Le jugement de nos propres émotions tue la vie, le mouvement et l’élan vital. Il nous stop net, nous aveugle et nous enferme. En refusant ou refoulant certaines émotions, celles-ci se renforcent et deviennent la source d’autres émotions. Ainsi nous avons peur d’avoir peur ou de perdre le contrôle, nous nous sentons coupable de notre colère ou ressentiment, honteux de notre tristesse ou de notre vulnérabilité, etc. Ce chemin par lequel nous sommes passés et repassés crée un système qui nous est devenu familier et auquel nous identifions. Nous pensons être réduit à ça, à cette habitude ou ce fonctionnement. Sans liberté de mouvement, ni de choix.
Ce matin-là le jugement que je portais sur ma colère et ma déception faisait naître la honte et le désespoir, des sentiments bien connus qui venaient saper toute estime et confiance en moi. J’étais engluée dans mes émotions et j’ai pensé que je n’arriverais pas à me lever pour commencer à vivre cette nouvelle journée et faire mon travail. Perdue dans mes pensées entêtantes, j’ai soudain entrevu le système dans lequel je me noyais : un trajet mental et des souffrances qui tournaient à vide. J’ai perçu en une seconde que l’état dans lequel je me trouvais était une illusion : je m’enfermais toute seule dans une image très négative de moi-même, comme une mauvaise habitude. Devenue observatrice, j’ai alors pris conscience de l’espace qu’il y avait entre moi et ce schéma. Un minuscule, infinitésimal espace qui m’a ouverte au choix : je pouvais soit rester dans mon enfermement mental, mon désespoir et mon impuissance, soit faire autrement. J’étais tentée de rester enfermée : c’était si connu et confortable en quelque sorte. Mais si je voulais avancer, il fallait que je renonce à mon apparent confort pour faire un tout petit pas de côté et attraper l’autre branche du choix. Le faire autrement s’est alors clairement manifesté par des actions concrètes : me lever et revêtir les habits de celle qui sort fièrement de chez elle. Un petit mouvement et je me suis composé une image de battante qui affronte sa vie. J’ai ensuite pensé à Luis Ansa qui raconte, dans son livre “Le secret de l’aigle” écrit avec Henri Gougaud, qu’après avoir vu tout son travail artistique et ses tableaux brûler dans un incendie, il décide de rentrer chez lui au Pérou pour se confronter aux dieux qui lui infligent une telle épreuve. Inspirée par Luis Ansa, j’ai imaginé avoir un dialogue très ferme avec “ma vie”, levant les poings, tapant des pieds et réglant mon compte avec les expériences douloureuses : “Non, non, non, non, NON ! Pas question de replonger dans ce merdier infâme. C’est fini tout ça ! À partir d’aujourd’hui, c’est champagne : je VEUX vivre ce qui ME convient ! Comprende ?!!”. Durant mon trajet dans le métro, les mots dansaient dans ma tête jusqu’à se résumer ainsi :
Ce récit illustre le saut créatif : ressentir, exprimer et accepter ses émotions permet de s’en détacher et d’imaginer un autrement possible. C’est sentir son choix – quelque soit la forme qu’il prenne – qui remet en mouvement et redonne de l’énergie pour avancer.
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